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Séance électrique au Parlement : Stéphanie Anquetil défend son droit d’interroger le gouvernement

Stéphanie Anquetil défend son droit de poser des questions sur la situation des shelters. Shirin Aumeeruddy-Cziffra affirme ne pas être dupe. La ministre concède qu’il reste encore beaucoup à faire.
  • La Speaker réaffirme son rôle d’arbitre indépendant de l’hémicycle

La tension est montée d’un cran mardi après-midi au Parlement. Une question de la députée rouge Stéphanie Anquetil à la ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille Arianne Navarre-Marie a provoqué des étincelles, ravivant les spéculations sur les relations entre partenaires de l’Alliance du Changement.

Ce 9 décembre, la députée travailliste, également Chief Whip, avait interrogé la ministre au sujet de la gestion du Baie-du-Tombeau Child Day Care Centre. Une question qui, de prime abord, relevait du suivi parlementaire normal, mais qui a mis le feu aux poudres. Le climat était déjà électrique depuis la semaine précédente, plusieurs questions portant sur les dysfonctionnements dans la gestion des shelters ayant instauré une atmosphère tendue dans l’hémicycle.

Le Deputy Prime Minister et leader du MMM, Paul Bérenger, est intervenu à plusieurs reprises, dénonçant ce qu’il a qualifié d’« allégations ». Une prise de position qui n’est pas passée inaperçue dans un contexte politique fragile : il y a quelques semaines, le pays retenait son souffle alors qu’il envisageait de démissionner, avant de faire marche arrière à la suite d’une réunion avec le Premier ministre. 

Pour Stéphanie Anquetil, l’incident a été « surprenant ». Elle affirme ne pas s’être attendue à une telle réaction et défend sa démarche parlementaire : le Parlement doit demeurer un lieu où les débats sont relancés, où les décisions se préparent et où les réformes nécessaires peuvent émerger. « La politique, pour moi, n’est pas un métier mais un engagement. Il y a des choses qui ne sont pas acceptables. C’est aussi mon rôle en tant que parlementaire… J’ai été étonnée et surprise de la situation, mais à cet instant j’ai pensé aux enfants et aux mamans », confie-t-elle.

La députée assure que cette altercation ne freinera en rien son combat pour la protection des plus vulnérables et pour le respect des droits de ceux qui, selon elle, « n’ont pas de voix ». Interrogée sur la prise de position de Paul Bérenger, elle se contente d’un commentaire mesuré : « Je n’ai pas de commentaire à faire sur le DPM ni sur la ministre. Je n’ai fait que mon travail, c’est tout. »

Politique de porte ouverte

Du côté de la ministre visée, le ton est également posé. Mercredi, après sa participation à la Digital Safety Campaign marquant la Journée internationale des droits de l’homme à Voilà Bagatelle, Arianne Navarre-Marie a répondu aux questions sur cet échange houleux : « Je suis satisfaite de mon bilan, mais il reste encore beaucoup à faire. »

Elle défend l’action de son ministère : « Depuis ma prise de fonction, je me suis attelée à transformer ce ministère. Nous avons fait beaucoup, mais il reste encore beaucoup à accomplir. Nous avons hérité d’une situation qui date de 10 ans. Nous avons dû tout refaire. Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens dont nous disposons. »

La ministre précise également pratiquer « une politique de porte ouverte » : « Nous sommes là pour recevoir toutes les suggestions visant à améliorer la situation des enfants et des femmes. C’est dans cet esprit que nous accueillons toutes les propositions qui peuvent aider à faire avancer notre mission. »

La Speaker interpelle la députée

L’incident a également placé sous les projecteurs Shirin Aumeeruddy-Cziffra, Speaker de l’Assemblée nationale. Mercredi, en marge du Parlement francophone régional des jeunes de l’océan Indien au Lunch Room de l’Assemblée nationale, elle s’est exprimée devant la presse. Interrogée par Radio Plus, la Speaker a rappelé que ses décisions sont prises en toute indépendance, sans la moindre considération politique, insistant sur son rôle : faire respecter l’ordre et le bon déroulement des travaux parlementaires.

Mais elle est allée plus loin, invitant Stéphanie Anquetil à faire une déclaration à la police si elle estime certains faits suffisamment graves : « A la limite, il y a non-assistance à des personnes en danger. ‘Si sa bann zanfan-la an danze, bizin donn enn depozision lapolis.’ Est-ce qu’une question parlementaire résout tous les problèmes ? ‘Se sa mo pwin !’ »

Et d’ajouter, plus sévèrement : « Pa kwar ki mo dupe. Any right thinking person pou konpran ki pe pase. C’est un peu dommage. » Elle appelle également les députés à se concentrer sur les enjeux de fond.

La Speaker est aussi revenue sur l’incident impliquant le député Adrien Duval, estimant que s’il met en doute son impartialité, il lui incombe de déposer une motion de censure. Elle affirme rester pleinement confiante dans la neutralité de ses décisions. Par ailleurs, elle a annoncé que le rapport sur l’utilisation du kreol morisien à l’Assemblée nationale a été soumis mercredi au Premier ministre : « La balle est désormais dans le camp du gouvernement », a-t-elle déclaré.

« On gère très mal le fameux 60-0 »

Toujours est-il que pour les observateurs, ce qu’il s’est passé n’est pas anodin. L’avocat Ajay Daby, ancien Speaker de 1983 à 1990, établit un parallèle historique. « Nous voyons la même chose qui s’est produite en 1982. Je ne suis pas devin mais je sais qu’il y aura de gros développements à venir en ce sens. Mais il faut le reconnaître, le Parlement n’est pas une cour de justice. Pour moi, on gère très mal le fameux 60-0 », affirme-t-il, faisant référence au résultat électoral écrasant de la coalition au pouvoir.

L’ancien Speaker estime que chaque parti cherche avant tout à protéger ses rangs, au détriment du bon déroulement des débats. Selon lui, la Speaker ne doit « surtout pas laisser le Parlement livré à lui-même », rappelant que tout député possède le droit fondamental de soulever des questions : « C’est une question de culture politique. Le sens de la formalité doit primer. »

Nita Deerpalsing, activiste et ancienne députée rouge, partage cette préoccupation et va plus loin. Elle qualifie l’attitude adoptée envers Stéphanie Anquetil de véritable forme de « bullying », regrettant que la députée ait été prise à partie alors qu’elle ne faisait que son devoir. Pour elle, le plus troublant est que le fond de la question concernait des enfants vivant dans des conditions précaires dans certains shelters. « C’est désolant de voir ce genre de choses se produire au sein de l’hémicycle. Le Parlement existe pour relancer les débats et provoquer des actions, mais on voit vraiment que c’est tout le contraire qui s’est produit », déplore-t-elle.

Selon Nita Deerpalsing, les députés disposent de l’immunité parlementaire précisément pour poser les questions qui dérangent et pousser à des actions correctives. La réaction de Paul Bérenger et l’attitude de la Speaker soulèvent, selon elle, un profond malaise institutionnel : « Pourquoi défendre son ministre ? Pourquoi dire que ce sont des allégations ? Nous voyons qu’une simple question visant à soulager des personnes vulnérables a pris une tournure politique qui nous amène à réfléchir sur beaucoup de choses. »

Sharone Samy, Sarvesh Bhugowandeen, Nabihah Mooraja

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