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Métier - dans l’ombre des rues : le quotidien des collecteurs de ferraille

Cette activité représente un maillon clé de la chaîne informelle du recyclage à Maurice.
  • Jusqu’à Rs 500 par jour pour un collecteur de rue 
  • Vente de vieux métaux : entre Rs 10 – Rs 350 le kilo 

Chaque jour, des collecteurs de ferraille arpentent rues et dépotoirs pour récupérer des métaux abandonnés. 
Un métier invisible mais essentiel, entre survie économique et contribution au recyclage local.

Ils travaillent souvent dans l’anonymat, mais leur présence est essentielle à la propreté de nos quartiers. Chaque jour, dans plusieurs régions du pays, des collecteurs de ferraille parcourent rues, ruelles, terrains vagues et dépotoirs pour récupérer des objets métalliques abandonnés. Appareils électroménagers hors d’usage, tôles rouillées, carcasses de moteurs, pièces détachées, câbles brûlés ou restes de chantiers : tout est soigneusement récupéré, trié et revendu pour être recyclé.

Leur activité, encore peu valorisée aux yeux du grand public, constitue pourtant un élément important de la chaîne informelle du recyclage à Maurice. Nous nous sommes rendus sur le terrain pour comprendre le fonctionnement au quotidien de ce business. Nous avons suivi le parcours de ceux qui, chaque jour, arpentent les rues pour collecter ce qui n’intéresse plus personne, mais qui font vivre leurs familles.

À Sainte-Croix, la journée commence tôt pour les collecteurs de ferraille. Dès les premières heures du matin, certains sillonnent les rues à pied, d’autres à bicyclette, et quelques-uns utilisent des caddies récupérés ou des fauteuils roulants recyclés pour transporter leurs trouvailles. Ce sont des moyens improvisés, mais adaptés à la réalité d’un métier qui ne laisse aucune place au gaspillage.

Nous croisons Yancoon, père de famille, occupé à charger son fauteuil roulant avec des morceaux de fer récupérés dans une cour abandonnée. Depuis plusieurs années, ce travail constitue sa principale source de revenus. « Kan mo sorti boner, mo kapav gagn ase pou gagn enn manze lakaz », explique-t-il. Ce jeune père de famille affirme dépendre entièrement de cette activité pour subvenir aux besoins de ses proches, faute d’autres opportunités d’emploi.

Ruisselant de sueur, il pousse un fauteuil roulant rempli de pièces métalliques volumineuses. Yancoon a trouvé des tubes, fragments de machines et pièces automobiles. Il raconte que sa journée peut lui rapporter jusqu’à Rs 500 lorsque la récolte est bonne, mais précise que ce n’est pas toujours le cas. « Ena zour pa gagn nanye. Bizin rod partou », confie-t-il, exprimant les difficultés d’un métier soumis au hasard des trouvailles.

Pour beaucoup, ce ramassage de ferraille n’est pas un choix volontaire, mais une nécessité. Il permet de générer des revenus minimums dans un contexte économique difficile, où les options d’emploi sont limitées pour certaines franges de la population.

Une fois les chargements complétés, les collecteurs se dirigent vers des dépôts spécialisés. À Sainte-Croix, John, l’un de ces collecteurs, nous ouvre les portes de son site, où les morceaux de ferraille sont acheminés tout au long de la journée. L’homme précise que, malgré le caractère informel de cette activité, des contrôles sont systématiquement effectués. Chaque vendeur doit fournir des explications claires sur l’origine des objets, afin d’éviter l’achat de métaux provenant de vols. « Nou fer kontrol pou pa ki kitsoz problem vini. Tou dimounn bizin explik ki manyer zot inn gagn sa », assure John.

À l’intérieur du dépôt, la ferraille est pesée avant d’être achetée. Les prix varient selon la catégorie : fer léger, fer lourd, aluminium, acier, pièces industrielles, éléments mécaniques ou encore restes de batteries. Le marché est fluctuant : certaines semaines, le kilo de cuivre prend de la valeur, tandis que d’autres métaux perdent en prix selon la demande des fonderies et industries locales.

Cette étape constitue le cœur du circuit économique des ferrailleurs. Les collecteurs récupèrent, trient et préparent les objets, tandis que les dépôts agissent comme intermédiaires entre le travail de rue et les entreprises de recyclage. Sans ces dépôts, la revente serait presque impossible pour de nombreux ramasseurs.

À quelques kilomètres de là, au dépotoir de Roche-Bois (Robust), près de la station de collecte des déchets, un autre pan de cette activité s’organise. Sur place, plusieurs personnes fouillent minutieusement les amas de détritus à la recherche de morceaux de métal. Certaines y travaillent depuis des années et connaissent parfaitement où et comment repérer les objets de valeur potentielle.

L’ambiance est différente ici : l’odeur, la poussière, la chaleur et les risques d’accidents font partie du quotidien. Pourtant, ce lieu demeure crucial pour de nombreuses familles qui dépendent de ce tri pour générer un revenu. Lors de cette incursion, on apprend que le prix des métaux varie entre Rs 10 et Rs 300 le kilo, dépendant du type. « Le cuivre peut valoir jusqu’à Rs 350, dépendant de s’il est de couleur jaune ou rouge », relate un acheteur.

Risques sanitaires

Dans ce même dépotoir, plusieurs hommes se sont spécialisés dans l’extraction du cuivre. On les observe en train de retirer les gainages de câbles électriques ou de démonter des pièces électroniques pour en extraire le métal précieux. Le cuivre est très recherché et se revend à un prix plus élevé que les autres métaux, ce qui lui vaut son surnom d’« Or rouge ».

Considéré comme essentiel dans des secteurs comme l’électricité, la plomberie ou l’électronique, ce métal retrouve une deuxième vie grâce à la collecte informelle. Son importance dans le recyclage local illustre le rôle incontournable joué par ces travailleurs, même s’il demeure peu reconnu.

Mais derrière cette activité se cachent de nombreux risques. Exposition aux matières dangereuses, coupures profondes, infections, blessures aux mains et aux pieds, risques liés à la manipulation d’objets lourds ou rouillés : la sécurité est quasi inexistante. La plupart des collecteurs travaillent sans gants, sans chaussures adaptées, sans masque et sans aucun équipement de protection.

L’impact sur la santé respiratoire est réel, selon les habitués du domaine. « Kan manze bwar, koumadir pe gagn enn gout melanz feray dan labous, sa tase », relate Beguino. Il travaille dans un dépôt, et excelle à brûler les câbles pour y extraire le cuivre au quotidien.

Mike, un collecteur expérimenté, nous confie : « Sa travay-la fer dimounn malad. Ena boukou risk. Me nou pena lot posibilite. » Il estime que les autorités devraient prévoir un espace encadré, plus sécurisé, pour permettre aux travailleurs de mener leurs activités sans danger. Il rappelle que cette collecte de fer représente pour beaucoup un gagne-pain vital.

Malgré son importance écologique et sociale, le travail des ferrailleurs reste largement invisible. Ils permettent pourtant de réduire les déchets métalliques sur la voie publique, d’alimenter une filière de recyclage locale et de limiter la pollution liée aux métaux lourds. Ils représentent aussi un maillon indispensable de l’économie informelle, souvent le dernier filet de survie pour des ménages vulnérables. Leur contribution, bien que discrète, participe directement à la propreté et au recyclage dans le pays.

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