Le leader du MMM réunit en urgence son Comité central ce lundi. Entre fractures gouvernementales et désillusion électorale, observateurs et militants redoutent une implosion aux conséquences durables pour le pays.
Jour J pour Paul Bérenger. Son avenir politique devrait se décider à l’issue de la réunion urgente du Comité central du MMM qui se tiendra ce lundi 17 novembre à Rose-Hill. Va-t-on assister à une implosion du Mouvement militant mauricien ou au départ d’autres membres du parti en solidarité avec leur leader ?
Deux styles de gouvernance
Ce n’est pas la première fois que deux manières de travailler diamétralement opposées se retrouvent en alliance, souligne Abdallah Goolamallee. La « lenteur » du Ptr, et particulièrement de Navin Ramgoolam, dans la prise de décisions est légendaire, alors que du côté du MMM et de Paul Bérenger, la pression est toujours forte pour que les choses avancent rapidement.
S’y ajoutent les décisions prises par Navin Ramgoolam que Paul Bérenger n’a pas acceptées depuis le début. Une accumulation de mauvaises décisions a fini par provoquer des désagréments chez le leader du MMM. Comme dans tout gouvernement, des compromis sont nécessaires en matière de nominations et de décisions. Toutefois, lorsque ces décisions s’accumulent au point de créer des désaccords profonds chez un partenaire de l’alliance, cela finit par peser lourd dans la balance, jusqu’à la fameuse goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Le schéma qu’on aurait dû adopter et qui aurait pu marcher, c’est celui du partage du poste de Premier ministre à l’israélienne.
Partage des responsabilités
Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ont atteint un degré de maturité politique assez élevé, observe Bernard Saminaden, journaliste et observateur politique. Le premier dispose d’une longue expérience du pouvoir et a été plusieurs fois Premier ministre. Le second a été membre d’un gouvernement à de nombreuses reprises depuis la création de son parti. Ils savent que dans les coulisses du pouvoir, il y a toujours du bon et du moins bon. « C’est comme du lait sur le feu qu’il faut surveiller pour éviter que cela ne déborde », dit-il.
Bien qu’il soit conscient que tout gouvernement de coalition comporte son lot de difficultés, Bernard Saminaden estime que la seule alliance ayant réellement fonctionné est celle ayant suivi la formule d’accord à l’israélienne, avec un partage du pouvoir et du poste de Premier ministre entre Anerood Jugnauth et Paul Bérenger.
Il considère que les conflits répétés entre le PM et le DPM dépassent la simple personnalité des deux hommes. Pour lui, il s’agit d’un problème de méthode. « Le schéma qu’on aurait dû adopter et qui aurait pu marcher, c’est celui du partage du poste de Premier ministre à l’israélienne », souligne-t-il. « Ce n’est pas une question de personnalité ; c’est une question d’institution », insiste-t-il.
Mauricianisme mis à l’épreuve
« Maurice est un pays multiracial et multiculturel. Il faut que les Mauriciens se sentent on board du développement et du pouvoir », ajoute Bernard Saminaden. Il cite l’exemple du Liban, longtemps déchiré par la guerre civile, qui a trouvé une formule constitutionnelle fondée sur le partage des pouvoirs : un président chrétien maronite et un Premier ministre sunnite. Cette formule, dit-il, a permis au pays de tenir, malgré d’autres crises liées à sa position géopolitique. « Il n’y a plus de guerre civile entre chrétiens et musulmans dans ce pays », affirme-t-il.
Ils pensent qu’en retournant dans l’opposition, ils ne pourront pas faire progresser le pays ou leur circonscription, comme cela a été le cas lorsque certaines localités ont été laissées
à l’abandon
Faisant un parallèle avec Maurice, il évoque la victoire 60-0 de l’Alliance du Changement aux élections de novembre 2024, preuve selon lui que le mauricianisme est bien vivant et que les tabous liés aux circonscriptions 4 à 14 ont volé en éclats. Selon lui, les deux leaders devraient envisager, si ce n’est un partage du pouvoir, du moins un partage des responsabilités. Cela contribuerait, dit-il, à réduire les tensions en mettant « de l’eau dans le vin ».
Signal désastreux pour la démocratie
La situation politique actuelle est mauvaise avant tout pour les militants, pour le pays et pour ceux qui sont restés dans l’opposition durant une décennie ou plus, constate Bernard Saminaden. Elle envoie également un signal négatif aux électeurs et pourrait expliquer le fort taux d’abstention enregistré. « Après l’euphorie, il y a la désillusion », dit-il, rappelant qu’il faut respecter la souveraineté du vote.
Il souligne qu’un conflit politique prolongé peut fragiliser le pays, surtout lorsqu’il dépend des importations, des investisseurs et de la main-d’œuvre étrangère. « Ce n’est pas le moment d’être en conflit alors que le pays sort de la Covid-19 et que les indicateurs économiques sont au rouge. En plus, on a sacrifié la pension de vieillesse de la population », dit-il. Pour lui, les politiciens devraient aussi faire des sacrifices : « Les Mauriciens n’accepteront pas qu’ils se battent alors que le peuple fait des efforts. »
Selon lui, Maurice aurait pu éviter cette crise, même si la situation n’équivaut pas à une paralysie totale du pays.
Risque d’isolement pour Paul Bérenger
Bernard Saminaden estime que Paul Bérenger risque de se retrouver isolé si les élus du MMM refusent de le suivre en cas de démission. Après une longue traversée du désert dans l’opposition, certains pourraient vouloir conserver leur poste. « Ils pensent qu’en retournant dans l’opposition, ils ne pourront pas faire progresser le pays ou leur circonscription, comme cela a été le cas lorsque certaines localités ont été laissées à l’abandon », dit-il. Il rappelle toutefois que l’opposition joue aussi un rôle essentiel dans une démocratie.
Sydney Pierre se dit attristé par les secousses
Dans la circonscription n°19 (Stanley-Rose-Hill), où Paul Bérenger a été élu en tête de liste lors des élections de 2024, le ministre délégué du Tourisme et colistier du leader du MMM, Sydney Pierre, se dit attristé par les secousses politiques actuelles. Il évoque la période d’euphorie post-électorale, désormais lointaine. Sans vouloir s’immiscer dans les discussions entre les deux leaders, il compare la situation à une dispute entre un père et une mère, dont les enfants doivent rester en retrait.
Il souligne que le moral est bas chez les militants du MMM qu’il rencontre régulièrement. Beaucoup espèrent un renversement de situation, même si les réseaux sociaux entretiennent un climat pessimiste. Il rappelle que l’alliance a pris des engagements majeurs pour le pays et que le MMM y occupe une place importante. Il souhaite que les deux leaders retrouvent de meilleurs sentiments afin de poursuivre ensemble le travail entrepris.
Il pense également aux militants du MMM si leur leader devait quitter le gouvernement, rappelant leur engagement durant la campagne électorale.
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