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Rétrocession des Chagos : un rapport parlementaire égratigne fortement le traité entre le Royaume-Uni et Maurice

Misley Mandarin, proclamé First Minister des Chagos, en compagnie de deux autres Chagossiens.

Un rapport du Parlement britannique révèle que les Chagossiens se sentent exclus des négociations sur l’archipel des Chagos. Ils réclament une participation directe aux décisions, une supervision autonome des fonds et une reconnaissance de leur droit à retourner sur leur terre.

Alors que l’on atteint les étapes finales dans le processus de rétrocession de l’archipel des Chagos, un rapport publié mercredi par le Comité des relations internationales et de la défense de la Chambre des Lords met en lumière le sentiment de marginalisation des Chagossiens face à l’accord entre le Royaume-Uni et Maurice sur l’archipel des Chagos. Basé sur une enquête en ligne recueillant plus de 3 000 réponses, le document souligne que les Chagossiens « se sentent exclus des négociations et réclament une participation centrale aux décisions les concernant ». Ce sentiment d’injustice historique domine les conclusions, renforcé par une méfiance généralisée envers le gouvernement mauricien.

L’une des principales conclusions du rapport est que « les Chagossiens se sentent profondément injustement traités en raison de leur déplacement forcé des îles et des épreuves qui ont suivi, en insistant massivement sur le fait que la compensation et le soutien devraient être fournis directement aux Chagossiens, avec une supervision et une représentation chagossiennes dans la prise de décision ».

Ce rapport résulte d’une enquête en ligne menée par le comité parlementaire britannique pour recueillir les avis des Chagossiens résidant au Royaume-Uni, à Maurice, aux Seychelles et ailleurs sur l’accord UK-Maurice concernant l’archipel des Chagos, y compris Diego Garcia. Le 11 novembre 2025, le comité a été invité par le gouvernement et le Parti conservateur à recueillir ces avis dans le cadre du passage au Parlement du projet de loi mettant en œuvre l’accord. Afin de donner aux Chagossiens une opportunité d’exprimer leurs opinions sur des aspects clés de l’accord, et en s’appuyant sur une enquête précédente du comité sur le sujet, cette invitation a été acceptée.

L’enquête, lancée le 19 novembre et traduite en français et en Kreol morisien, a été diffusée via des réseaux chagossiens au Royaume-Uni, à Maurice, aux Seychelles et au-delà. Malgré des délais serrés et des contraintes méthodologiques, elle a attiré plus de 3 000 réponses, reflétant une voix communautaire forte et engagée.

Les commentaires acerbes du président du comité

Commentant le rapport, Lord de Mauley, qui préside le comité, a déclaré : « Les Chagossiens ont été systématiquement marginalisés lors des négociations sur l’accord du Royaume-Uni avec Maurice concernant l’archipel des Chagos. Les gouvernements britanniques successifs n’ont pas réussi à engager un dialogue significatif avec la communauté tout au long de ce processus. »

Il a ajouté : « Les Chagossiens ont un droit moral clair à être entendus et à participer aux décisions qui les affectent, eux et leur patrie. Nous sommes reconnaissants envers tous les Chagossiens qui ont répondu à notre enquête. Bien que cela leur ait fourni une opportunité de faire entendre leur voix, notre enquête ne peut pas se substituer à une consultation gouvernementale complète. Il incombe désormais au gouvernement de prendre ses responsabilités et de répondre aux préoccupations soulevées par les Chagossiens via l’enquête. »

Lord de Mauley a souligné que, malgré des contraintes importantes en termes de temps et de ressources, « nous croyons que nos conclusions brossent un tableau globalement précis des opinions chagossiennes. Les thèmes clés qui ont émergé s’alignent étroitement sur ceux identifiés par le comité dans le cadre de son enquête précédente sur les implications du transfert de souveraineté de l’archipel des Chagos ».

Recommandations clés

Parmi les conclusions et recommandations principales du rapport figurent plusieurs points centraux. Tout d’abord, la méfiance envers le gouvernement mauricien est généralisée, ancrée dans une marginalisation et une discrimination historiques, soutient le rapport. Des préoccupations ont été exprimées quant au fait que l’accord manque de garanties, de clarté ou de transparence suffisantes pour donner aux Chagossiens la confiance que leurs besoins seront satisfaits.

Les Chagossiens ont articulé des aspirations sincères à retourner sur leur terre natale. En même temps, ils reconnaissent les obstacles pratiques très concrets à la réinstallation et partagent des inquiétudes quant au fait que le gouvernement mauricien ne mettra pas en œuvre un programme de réinstallation équitable.

Le fonds fiduciaire de 40 millions de livres sterling établi par l’accord entre le Royaume-Uni et Maurice est perçu non seulement comme un instrument financier, mais comme un véhicule qui devrait fournir une réparation et une amélioration des vies des Chagossiens. Beaucoup ont plaidé pour un soutien financier direct, ainsi que pour une supervision et une implication chagossiennes dans la définition des priorités du fonds.

Enfin, la participation chagossienne à la gouvernance environnementale est considérée comme centrale aux efforts futurs de conservation à travers l’archipel. Les répondants ont insisté sur la compatibilité de la pêche traditionnelle chagossienne avec la protection de l’écosystème, plaidant pour un leadership communautaire dans ce domaine.

Contexte historique et implications actuelles

Le rapport rappelle que les Chagossiens ont souffert d’une histoire de déplacement et d’exclusion de 50 ans. Entre 1967 et 1973, le Royaume-Uni a expulsé la population pour faciliter l’installation d’une base militaire américaine sur Diego Garcia, relogeant les familles à Maurice, aux Seychelles et ultérieurement au Royaume-Uni. À ce jour, ils ne peuvent pas retourner vivre sur leurs îles ancestrales.

L’accord permet à Maurice de mettre en œuvre des programmes de réinstallation sur les îles extérieures, sans obligation, et exclut Diego Garcia. Cette omission est vue comme une perte profonde. Les témoignages révèlent la souffrance intergénérationnelle, avec un impératif moral de réparation via compensation, pensions et soutien communautaire.

La méfiance envers Maurice est particulièrement marquée chez les répondants du Royaume-Uni, est dans une moindre mesure à Maurice et aux Seychelles, citant négligence et mauvaise gestion. Liée à cela, la demande d’autonomie est unanime : les décisions doivent les impliquer directement.

Les priorités identifiées incluent logement, éducation, santé et pensions, avec une insistance sur une supervision indépendante.

Empêcher la rétrocession : Des Chagossiens forment un gouvernement en exil

Dans un geste symbolique visant à contrecarrer les plans du gouvernement britannique, des familles chagossiennes, expulsées de leur archipel entre 1967 et 1973, ont élu un « Premier ministre » et proclamé la création d’un gouvernement en exil. Cette initiative intervient alors que Maurice s’apprête à céder la souveraineté des îles Chagos à Maurice.

Cette mesure a été annoncée dans l’espoir d’influencer la Chambre des Lords et d’empêcher la ratification de l’accord de transfert. Ce dernier, prévu pour entrer en vigueur en février prochain, marquerait la fin de la souveraineté britannique sur cet archipel stratégique de l’océan Indien, à l’exception de la base militaire de Diego Garcia, qui resterait sous contrôle anglo-américain.

Lors d’une cérémonie inaugurale, Misley Mandarin, élu « First minister » de ce gouvernement en exil, a déclaré : « Que le monde sache : nous restons des sujets loyaux de Sa Majesté. Nous restons des partenaires engagés envers le Royaume-Uni et les États-Unis. Ce soir, la voix chagossienne devient une seule voix. Ce soir, notre histoire recommence. Nous sommes toujours là. Nous sommes toujours Chagossiens. Et ce soir, nous nous relevons. God Save the King. »

Misley Mandarin a insisté sur le droit à l’autodétermination des Chagossiens, comparable à celui accordé à d’autres territoires d’outre-mer britanniques. Il a exprimé le souhait de la communauté de retourner sur les îles, de conserver la citoyenneté britannique et de maintenir la souveraineté du Royaume-Uni. Il a également souligné l’importance de préserver Diego Garcia et l’architecture de sécurité occidentale qui en dépend.

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