Rebeka Jeanneton Marthe : du chiffon à la consécration

• Elle vient d’être nommée Country Director de la Female Founders Initiative Global

En pleine pandémie, Rebeka Jeanneton Marthe fonde Moclean Net Ltd. De Maurice à Dubaï, elle transforme la détermination en succès et fait de l’entrepreneuriat féminin un moteur de changement.

2020. La pandémie fige le monde, les frontières se ferment, l’économie chancelle. C’est précisément à ce moment que Rebeka Jeanneton Marthe décide de créer Moclean Net Ltd. Autour d’elle, certains ne comprennent pas. D’autres se moquent. Elle tient bon, portée par une certitude intérieure : elle n’a pas d’autre choix que de créer son propre avenir.

Les débuts sont rudes. Elle commence avec quelques contrats et beaucoup de détermination. Les journées sont harassantes. Elle doit être partout à la fois : commerciale le matin, formatrice l’après-midi, technicienne, gestionnaire, comptable, superviseure. Mais elle avance, pas à pas.

Ce qu’elle bâtit s’inscrit loin des clichés sur le nettoyage. Rebeka impose une vision professionnelle, rigoureuse, structurée. Elle établit des standards précis, une discipline exigeante, une politique de formation continue. En quelques années, Moclean Net Ltd devient une référence en matière de nettoyage et d’hygiène à Maurice, reconnue pour son niveau d’exigence.

Derrière ce succès, il y a une conviction profonde : la dignité du travail commence par le respect de celles et ceux qui l’exécutent. Rebeka réforme des équipes, revalorise des métiers dénigrés, offre des opportunités à des femmes souvent reléguées dans l’informel. Son parcours personnel l’a rendue particulièrement sensible à ces trajectoires.

Dubaï, octobre 2025

Le 23 octobre dernier, Rebeka arrive à Dubaï pour le Female Founders Initiative Global. Elle ne vient pas conquérir un trophée. Elle vient représenter un pays, une vision. Pourtant, elle remporte l’un des prix phares du concours : le 50 Under 50 Award. Sur les images qui circulent sur internet et dans la presse, on la voit sourire, émue, entourée d’autres femmes venues de divers pays. Mais ce que les photos ne montrent pas, c’est le chemin parcouru : les années de batailles silencieuses, les portes fermées, les sacrifices invisibles.

Ce soir-là, elle ne récolte pas simplement un prix. Elle récolte la légitimité que l’on refuse trop souvent aux femmes qui débutent sans réseau, sans capital, sans héritage. Pour une femme venant d’un quartier où les opportunités ne se présentent pas, ou si peu, cette reconnaissance prend une dimension particulière.

Quelques semaines plus tard, le message officiel tombe : « Your appointment reflects your commitment to elevating women in business, your leadership capability, and your vision for entrepreneurship development in Mauritius. As Country Director, you will be a central part of FFIG’s global leadership structure. »

Rebeka Jeanneton Marthe vient d’être nommée ambassadrice (Country Director) de la Female Founders Initiative Global pour Maurice. La nomination prend effet immédiatement. Pour elle, ce n’est pas une simple ligne ajoutée au CV. C’est la reconnaissance d’un engagement profond : élever d’autres femmes, partager les armes qu’elle a dû se forger seule, faire entrer l’entrepreneuriat féminin mauricien dans une dimension plus vaste.

La FFIG, organisation mondiale dédiée à l’accompagnement, la formation et la visibilité des femmes cheffes d’entreprise, ne distribue pas ce titre à la légère. Désormais, Rebeka entre dans le cercle stratégique où les décisions se prennent, où les initiatives se construisent, où les futures leaders émergent.

Un nouveau chapitre

Les défis qui l’attendent sont nombreux. Organiser les événements et programmes FFIG à Maurice. Mobiliser les entrepreneuses. Créer des réseaux. Attirer des partenariats, sécuriser des sponsors. Former, transmettre, guider. Elle devra aussi accompagner les cheffes d’entreprise mauriciennes vers les scènes internationales : délégations, conférences, sommets, vitrines mondiales où la voix de Maurice, trop discrète, peut enfin se faire entendre.

Concrètement, cela signifie des business breakfasts, des séances de networking, des formations professionnelles, des rencontres stratégiques. « Je veux bâtir un écosystème. Pas juste un réseau, mais un véritable environnement où les femmes peuvent progresser, s’épanouir, et surtout créer de la valeur », explique-t-elle.

À 36 ans, mère de famille, Rebeka entre aujourd’hui dans une nouvelle phase. Elle ne se bat plus seulement pour son entreprise : elle se bat pour un mouvement. Pour une génération. Pour ces dizaines de femmes qui ont des idées brillantes mais manquent d’un coup de pouce, d’un réseau, d’une formation ciblée, ou simplement d’un espace où on leur dit : « Tu peux essayer. Tu as le droit d’essayer. »

Elle insiste : ce qu’elle a réussi n’a de valeur que si cela peut servir aux autres. Elle ne veut pas être un symbole figé, mais une force active. Sa nomination n’est pas pour elle un aboutissement, c’est un début. Elle la voit comme un devoir, presque comme une obligation morale : rendre possible ce qui ne l’a pas toujours été pour elle.

En effet, raconter Rebeka sans évoquer les obstacles serait trahir son histoire. Ses réussites ne sont pas des victoires faciles. Elle a connu les incertitudes matérielles, les responsabilités écrasantes, les choix impossibles. Les débuts où rien ne tient, où tout est à réinventer, où les nuits sont longues parce que les lendemains ne sont pas sûrs. Les humiliations discrètes que l’on inflige aux femmes qui osent se lancer seules. Les moments d’épuisement extrême où elle a failli tout abandonner.

Ce qu’elle n’a jamais connu, en revanche, c’est la résignation. Sa force vient de cette capacité rare à se relever avant même d’avoir touché le sol.

À ceux qui la rencontrent après son sacre à Dubaï, elle confie : « Je veux transformer cette victoire en moteur d’espoir. » Son histoire personnelle devient maintenant un levier collectif. Une preuve que l’avenir n’est pas un héritage, mais une construction.