L’attente du rapport PRB, censé réviser les salaires et les conditions de service des fonctionnaires, crée des remous. La déception est grande pour les 90 000 employés de la Fonction publique, explique le syndicaliste Radhakrishna Sadien.
Le rapport du Pay Research Bureau (PRB) fait tiquer et soulève des remous…
Le rapport du PRB a été mis en place pour examiner les structures salariales et hiérarchiques ainsi que les conditions de service dans la Fonction publique. Conformément à son mandat, le PRB a plusieurs fonctions à remplir, notamment la modification des appellations, la mise à niveau des qualifications à la lumière des évolutions, et la restructuration des organisations, entre autres.
Il formule également des recommandations sur les besoins en formation des fonctionnaires, et indemnise les catégories de travailleurs qui n’ont pas bénéficié d’une compensation salariale au cours des dernières années.
Le nombre de fonctionnaires a été réduit à la suite de la suppression des niveaux hiérarchiques et des multiples fonctions que beaucoup de fonctionnaires ont dû assumer. La situation dans la fonction publique s’est aggravée en raison du non-pourvoi des postes vacants dans tous les ministères et départements ces dernières années.
L’ajustement des salaires visant à corriger la distorsion de la relativité se fait toujours attendre. Il est donc tout à fait normal que la décision du gouvernement précédent de mettre en œuvre le rapport à compter du 26 janvier 2025 soit attendue avec impatience.
De plus, les fonctionnaires avaient été rassurés lorsque le Premier ministre avait confirmé, dans une déclaration à l’Assemblée nationale, il y a quelque temps, que le rapport serait publié en 2025 et mis en œuvre à partir de janvier 2026. Malheureusement, en réponse à une question parlementaire, le Premier ministre n’a donné aucune indication sur la date de publication ni sur la mise en œuvre, ce qui n’est pas vraiment encourageant pour les 90 000 fonctionnaires concernés.
Cela fait combien de temps que les fonctionnaires attendent le PRB ?
Le rapport aurait dû entrer en vigueur dès 2025. Le salaire minimum national, introduit en janvier 2018, a été révisé à plusieurs reprises, tandis que les salaires dans la Fonction publique sont restés inchangés. Le gouvernement a même augmenté chaque année le salaire recommandé afin de garantir un revenu minimum dans le secteur privé.
Certains fonctionnaires attendaient ce rapport pour planifier leur retraite. On aurait pu au moins s’attendre à ce que les promesses faites aux fonctionnaires pendant la campagne électorale de 2024 et lors des débats à l’Assemblée nationale soient tenues.
Certains estiment que les augmentations salariales devraient être liées à la performance : qu’en pensez-vous ?
Aucun gouvernement ne peut prétendre fonctionner sans la Fonction publique. La Fonction publique est le bras exécutif du gouvernement. Elle doit disposer des ressources nécessaires, d’équipements et d’outils modernes, d’une formation continue et, surtout, d’un salaire digne pour fonctionner de manière efficace et efficiente.
Il existe un dicton qui s’applique partout : « Si vous payez des cacahuètes, vous obtiendrez des singes pour travailler pour vous. » Savez-vous que le nombre de fonctionnaires a été réduit de 50 % au fil des ans ? Savez-vous également que les professionnels de la fonction publique sont mal payés par rapport à leurs homologues du secteur privé ?
Bien sûr, certains diront qu’ils bénéficient de la sécurité d’emploi. Mais, aujourd’hui, la sécurité d’emploi n’existe plus vraiment nulle part. Les fonctionnaires sont recrutés sur la base de leurs qualifications, de leur expérience et de leur mérite, et leurs attentes sont légitimes.
Comment percevez-vous la productivité et l’engagement des fonctionnaires dans leurs missions quotidiennes ?
On ne peut blâmer tout le monde à cause de quelques brebis galeuses. Les fonctionnaires sont recrutés par la Public Service Commission (PSC) pour servir le peuple avec impartialité. Une fois qu’une personne assume une responsabilité dans la fonction publique, elle doit être pleinement disponible pour le travail.
Un syndicaliste a avancé le chiffre de Rs 25 millions de budget annuel pour le seul bureau du PRB. Le conseil a mis trois ans, et le rapport n’est toujours pas publié. Qu’est-ce qui cloche ?
C’est une institution permanente avec un bureau et des employés. Les employés du PRB ont aussi besoin d’être rémunérés comme tout le monde. Cela étant dit, je ne suis pas d’accord que le PRB prenne cinq ans pour produire un rapport, malgré un programme chargé de rencontres avec les différents acteurs concernés. Comme dirait l’Anglais, « they don’t start from scratch », car le PRB dispose déjà de nombreuses informations et données provenant des institutions concernées.
Donald Chesworth, un consultant étranger, a réalisé un rapport salarial pour la fonction publique en à peu près un an. Je ne dis pas que toutes les recommandations du dernier rapport sont mauvaises, mais ce dernier comprend de sérieuses anomalies qui n’ont pas été corrigées jusqu’à présent.
Les employés du PRB sont des fonctionnaires recrutés par la PSC. Cependant, ils nécessitent une formation supplémentaire sur les défis salariaux. Le bureau du PRB doit également être réformé et doté d’outils plus modernes afin de répondre efficacement aux besoins des travailleurs, de l’employeur et des syndicats.
Chesworth aurait-il été plus à l’écoute des doléances des fonctionnaires ?
Le rapport Chesworth a apporté davantage de satisfaction. Soit Chesworth était un socialiste, soit il ne se laissait influencer par personne.
Pour que le PRB continue d’exister efficacement, il doit être réformé afin de gagner en indépendance. Le Pay Advisory Council, qui devrait fonctionner au sein du PRB avec des représentants syndicaux, n’existe plus. Si l’on ne s’inspire pas d’autres modèles de révisions salariales ou si l’on ne fait pas preuve de transparence, on risque d’être dépassé, ce qui entraînera une perte de confiance des travailleurs dans l’institution.
Il y a une perception tenace selon laquelle les fonctionnaires seraient des « enfants gâtés » de l’État…
Si les fonctionnaires étaient vraiment des enfants gâtés de l’État, le rapport du PRB aurait déjà été publié.
Les heures supplémentaires n’ont pas été payées au ministère de la Santé pendant 7 mois à 1 an pour toutes les catégories d’employés. Des postes vacants n’ont pas encore été pourvus dans pratiquement tous les ministères et départements, ainsi que dans les institutions parapublics. Cela a été reconnu aussi bien par le ministre du Travail que par celui de la Sécurité sociale.
Au ministère de l’Égalité des genres, au ministère de l’Agro-Industrie, au ministère de la Santé et même au département de l’Audit, 50 % des postes ont été supprimés dans le dernier Budget et d’autres postes vacants doivent encore être pourvus.
Venons-en à la réponse du Premier ministre et ministre des Finances. Il affirme que tout va dans la bonne direction pour le PRB, mais n’a pas donné de date précise quant à la publication du rapport. S’agit-il d’une « delaying tactic » selon vous ?
Le rapport doit être prêt pour publication, car depuis longtemps les dépôts ont cessé. On espère que le rapport ne fera pas l’objet d’une valse entre l’Hôtel du gouvernement et le bâtiment Bacha n Bacha, où se situe le bureau du PRB.
La déclaration du Premier ministre à l’Assemblée nationale a eu l’effet d’une douche froide pour ces 90 000 employés, qui attendent ce rapport avec impatience, d’autant que beaucoup de postes mentionnés dans le dernier rapport du PRB actuellement en vigueur ont des salaires inférieurs au salaire minimum. N’est-il pas frustrant qu’un employé ayant cumulé de nombreuses années de service reçoive le même salaire, ou légèrement supérieur, que celui d’un nouvel employé ? N’est-il pas démotivant pour quelqu’un qui se sacrifie pour son travail et qui attendait que ses conditions soient revues à partir de janvier 2026, de rester dans l’incertitude ?
J’espère que le Premier ministre, dans sa sagesse, annoncera la publication du rapport du PRB en même temps que le taux de compensation salariale pour 2026.
Au niveau des syndicats, on laisse la porte ouverte. On ne veut pas mettre le couteau sous la gorge du gouvernement ou du Premier ministre. Il y a une grande déception parmi les fonctionnaires et une attente légitime. Navin Ramgoolam a lancé un ballon-sonde, voulu calmer le jeu et surtout tâter le pouls des fonctionnaires. Il est resté évasif.
Les fonctionnaires seraient mal vus par le public. Que lui répondez-vous ?
Bien que les services gouvernementaux doivent être améliorés dans de nombreux secteurs, nous figurons parmi les meilleurs du continent africain. D’ailleurs, beaucoup d’autres pays viennent s’inspirer du modèle mauricien. Le bureau de la Commission électorale à Maurice en est un exemple : les actes de naissance et de mariage sont délivrés le jour même.
S’il y avait suffisamment de personnel dans nos hôpitaux, des équipements modernes, de bons médicaments et une formation adéquate des employés, le public bénéficierait d’un service exemplaire. Malgré le nombre grandissant de patients dans nos hôpitaux publics, l’e-Health n’est pas encore une réalité, ce qui aurait pourtant soulagé considérablement le système de santé publique.
S’il n’y avait pas de pompiers, même en nombre insuffisant, qui ferait leur travail ? Et le service météo, malgré ses imperfections, qui veille à notre sécurité dans sa globalité. Tout en reconnaissant qu’il existe quelques brebis galeuses qui nuisent au service et qu’il faut corriger à tout prix, cela existe également dans le secteur privé.
Le public doit comprendre les contraintes du système gouvernemental. L’argent public doit être dépensé judicieusement en respectant les garde-fous. Même dans les hôpitaux privés, souvent très coûteux, il faut faire preuve de patience, d’autant plus que ce sont souvent les mêmes spécialistes du secteur public qui vous consultent.
Il faut se rappeler que les fonctionnaires paient également les taxes directes et indirectes, comme tout le monde.
Certains observent un écart entre les salaires dans la fonction publique et ceux du secteur privé. Pensez‑vous que ce rajustement salarial devrait refléter davantage les niveaux et les pratiques du privé ?
Bien sûr. Les fonctionnaires, qui sont des salariés, sont affectés par l’érosion du pouvoir d’achat et n’ont pas droit à un second emploi, donc ils dépendent uniquement de leur salaire. Ils doivent subvenir aux besoins de leurs familles et ont eux aussi une vie personnelle, comme tout le monde. Il est donc essentiel de les traiter comme des êtres humains. Lorsqu’ils offrent leurs services à l’État, il faut leur verser un salaire décent et garantir des conditions de travail équitables. Le gouvernement doit montrer l’exemple pour ses employés.
D’ailleurs, pour l’année en cours, malgré la situation économique difficile, le gouvernement a aidé les entreprises privées en versant une somme de Rs 3 500 à ajouter aux Rs 16 500 afin de garantir un salaire minimum aux employés. Qu’en est-il de ses propres employés ?
Concernant les conditions de travail après la retraite, un fonctionnaire perçoit 50 % de son salaire comme pension. Les épouses de beaucoup de ces fonctionnaires sont des femmes au foyer. Avec le décès de ce dernier, sa femme ne perçoit rien, sauf si le mari avait contribué au Family Protection Scheme. Ainsi, un fonctionnaire percevant Rs 20 000 par mois, qui prend sa retraite après l’âge de 60 ans, a droit à Rs 10 000 mensuels jusqu’à sa mort.
Auparavant, le PRB Scheme aidait à subvenir à ces besoins. Avec la décision de repousser le BRP (Basic Retirement Scheme), ces familles, qui ont sacrifié leur vie au service de la République, retournent dans la précarité. Est-ce cela, la High Income Economy ?
Le PRB et le National Remuneration Board devraient-ils être sur un pied d’égalité ?
Le PRB et le NRB doivent être publiés tous les cinq ans. Le NRB est tripartite, ce qui garantit une plus grande transparence, tandis que le PRB est un département gouvernemental, et n’a pas la même indépendance que le DPP. Il y a une réflexion plus approfondie à mener sur toute cette question, selon moi.
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