Les raisons derrière la détention prolongée de Mamy Ravatomanga
Par
Kursley Thanay
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Kursley Thanay
La Bail and Remand Court (BRC) a rejeté, ce mardi 30 décembre 2025, la demande de libération sous caution du milliardaire malgache Mamy Ravatomanga. La cour estime que l’imposition de conditions en vue de le relâcher ne pourra pas minimiser les risques de fuite et d’interférence avec les témoins.
Après Noël, il passera le Nouvel An en détention. L’homme d’affaires malgache Maminiania (Mamy) Ravatomanga a été reconduit en détention après la décision de la Bail and Remand Court (BRC) de lui refuser la remise en liberté sous caution. Sa prochaine comparution a été fixée au 12 janvier 2026.
La magistrate Karuna Dwarka-Davay, de la Bail and Remand Court (BRC), a conclu, dans un ruling rendu ce 30 décembre 2025, que : « the need for the applicant (Ndlr : Mamy Ravatomanga) to be in continued detention outweighs his right to liberty at this stage ». Elle s’est notamment appuyée sur des éléments tirés d’un téléphone, liés à une rencontre entre Mamy Ravatomanga et l’ancien commissaire de la FCC, Mᵉ Junaid Haroon Fakim. Il est question de messages dans lesquels le Malgache aurait demandé à ses proches de se débarrasser d’un téléphone. La BRC juge que même des conditions strictes ne réduiraient pas suffisamment les risques.
Dans les faits, le milliardaire fait face à trois accusations provisoires, dont deux pour blanchiment d’argent et une pour entente délictueuse. La Financial Crimes Commission (FCC), qui enquête sur lui, s’est opposée à sa remise en liberté en invoquant deux raisons : le risque de fuite et d’interférence avec les témoins, ainsi que la falsification ou la destruction d’éléments de preuve.
Appelé à témoigner, le Chief Investigator Khemraj Jokhoo avait expliqué que la FCC a ouvert un dossier après l’atterrissage d’un jet privé, le 12 octobre 2025. À bord se trouvaient l’ancien Premier ministre de Madagascar, Christian Louis Ntsay, Mamy Ravatomanga, ainsi que des membres de la famille de ce dernier.
D’autre part, la BRC a retenu que la FCC a obtenu un volume important de documents grâce à une collaboration informelle avec des autorités étrangères, dont la France et le FBI. La magistrate a également tenu compte des délits sous-jacents (predicate offences) (voir hors texte), sur lesquels repose le soupçon de blanchiment. La BRC a conclu qu’il existe « sufficient incriminating evidence (…) of a strong nature ».
Sur le risque de fuite, la cour retient notamment l’absence de biens immobiliers à Maurice, l’existence de comptes et d’avoirs à l’étranger, des moyens financiers importants, ainsi que le lien avec Transocean Airway, qui compte sept jets privés. Elle estime ce risque « réel et plausible ».
Au terme d’un exercice d’équilibre, la BRC a penché en faveur de la détention du prévenu, tout en rappelant que « bail is the rule and pre-trial incarceration the exception ». La magistrate a toutefois exhorté les autorités à agir avec diligence afin qu’un procès ait lieu dans « les plus brefs délais ».
La FCC a expliqué que les délits sous-jacents impliquant Mamy Ravatomanga concernent :
1.La vente illégale de cinq Boeing 777 à l’Iran, malgré des sanctions américaines et européennes, avec des soupçons de faux certificats d’immatriculation et de commissions obtenues via une influence exercée sur des officiels.
2.L’exportation de litchis : soupçons d’abus de position dans l’allocation de quotas d’exportation « au détriment de concurrents ».
3.Le trafic de bois de rose (rosewood), dont le dossier fut rouvert après la saisie de sept conteneurs, avec des soupçons d’exportations illégales et de falsification de documents. L’enquête avait été classée en 2013, faute de coopération avec les autorités malgaches.
4.L’importation de blé à Madagascar via une société incorporée aux Seychelles, avec des soupçons d’influence afin d’obtenir des avantages et des arrangements fiscaux.
Sollicité pour une déclaration, Me Khushal Lobine, l’un des avocats de Mamy Ravatomanga, a déclaré « ne pas être satisfait » de la décision de la BRC.
« La magistrate a failli à prendre en considération les éléments relatifs à l’état de santé de notre client, ainsi que le fait que, dans cette même affaire, trois autres protagonistes ont été libérés sous caution. Nous envisageons une demande de révision (bail review) devant la Cour suprême », a-t-il dit.